Lundi matin, journal radio de 6h: annonce de la mort du prix Nobel Christian de Duve et des conditions dans lesquelles cela s'est effectué. Je ne veux ici poser aucun jugement. Je veux tout simplement exprimer quelques réflexions et questions qui viennent sans doute aussi à l'esprit de beaucoup d'entre nous:
Je reste désarçonné par le choix, par le geste, et par la manière dont ce geste est posé. On me dira: "mais c'est parce que tu n'es pas habitué; un jour ce sera passé dans les moeurs". Il faudrait ne jamais être habitué par l'euthanasie, ni par une quelconque atteinte à la vie.
Beaucoup de personnes restent perturbées, mais la répétition de tels gestes peut à la longue pousser d'autres à prendre cette voie sans plus se poser de questions.
Je reste désarçonné. Pourquoi? Oui, pourquoi? Finalement, je réponds: parce qu'il est contre-nature. Mais ce n'est pas qu'une idée, il est contre-ma-nature. Je suis personnellement atteint par ce geste, dans ma nature. Car Christian de Duve et moi-même avons une nature commune.
Autrement dit, à ce stade-ci, lorsqu'il est question des extrêmes de la vie humaine, conception et mort, il ne s'agit pas seulement d'un acte personnel, mais du mystère de la vie, qui nous englobe tous, qui nous concerne tous.
Car la conception et la mort touchent justement ces limites impénétrables qui nous échappent totalement.
Notre temps veut nier la nature humaine qui apparaît comme une contrainte. L'homme d'aujourd'hui veut se sentir libre, libéré de toute contrainte. Donc, pas de nature humaine ni de loi naturelle, seulement l'individu et son libre-arbitre, personnellement responsable de ses actes et donc dégagé de ses conditions naturelles. Loi naturelle, religion, Dieu... sont vus comme des obstacles à la liberté.
C'est dans cette logique que s'inscrivent sans doute le choix et le geste de Christian de Duve. L'homme se veut maître de sa destinée, ou de sa non-destinée.
Oui, le mystère de la vie, précisément en son commencement et en sa fin, nous échappe. Comment se fait-il que le phénomène biologique initial puisse ainsi déboucher sur une conscience, une conscience de soi, une personne? Mystère que la science est incapable d'expliquer. La mort nous échappe tout autant. La mort n'est pas un acte en soi, elle signe la fin de tout acte.
Comme chercheur éminent, Christian de Duve a beaucoup réfléchi. Il a été impresionné, émerveillé aussi. Mais cet émerveillement peut s'arrêter en deçà du mystère. Pourtant, le mystère est là, offert, donné. Mystère: chose cachée et pourtant se révélant. Parler de mystère n'entre pas en contradiction avec la science et avec la recherche. Au contraire. Mais le mystère se voile à celui qui prétend savoir et vouloir maîtriser. Dans ce cas, il réfute le mystère. Il le met à sa mesure. On a éliminé le mystère, et donc la vie.
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