Vierge à l'Enfant de la Sainte-Chapelle (13e siècle) Musée du Louvre, Paris |
A
tous les « petits » que Marie, reçoit dans le Royaume, ce poème de
Charles Péguy
Notre-Dame
des petits
Lorsque
les petits enfants meurent,
–
Et la mort choisit les plus beaux ! –
Tandis
que les mères demeurent
A
les pleurer près des berceaux,
Eux,
laissant au fond de leurs bières
Les
langes à leurs bras raidis,
Quittent
la nuit des cimetières
Et
s’en vont droit au paradis
Et
vers la cité souveraine,
Tout
nus, et frissonnants, un peu,
Ils
avancent, posant à peine
Leurs
pieds roses sur le ciel bleu.
Ce
que voyant, la Vierge Mère
A
leur dénuement compatit,
Songeant
aux douleurs de la terre
Lorsque
Jésus était petit.
Et,
tout de suite à sa quenouille,
Mettant
un cocon de satin,
Elle
dévide un fil que mouille
L’haleine
humide du matin
Puis,
le soir venu, Notre-Dame
Prenant
les cieux pour marchepied,
Pour
la tisser étend sa trame,
Pour
la tisser, elle s’assied,
Et
comme une blonde navette,
On
entrevoit sans se lasser,
Entre
la brume violette,
Passer
la lune et repasser.
Et,
dans l’étoffe des buées,
Près
d’elle, de beaux chérubins
Taillent
des robes de nuées
Dont
ils revêtent les bambins.
Bientôt
sous leurs fines toilettes,
Les
enfants vont, drus et joyeux,
Dans
les lis et les violettes
Jouer
par les grands prés des cieux.
Et,
les voyant, la Vierge Mère
A
leurs beaux rires applaudit,
Songeant
aux bonheurs de la terre
Lorsque
Jésus était petit
Charles
Péguy (1873-1914)
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