Augustin et Monique. L'extase d'Ostie |
Or, le jour était proche où elle [Monique, la mère d’Augustin]
allait quitter cette vie (…) Il se trouva, par tes soins, j’en suis sûr, par
tes secrètes dispositions, que nous étions seuls, elle et moi, debout, accoudés
à une fenêtre (…) C’était à Ostie, près des bouches du Tibre, à l’écart des
agitations, après les fatigues d’un long voyage: nous refaisions nos forces
pour la traversée. Donc, nous parlions ensemble, dans un tête-à-tête très doux.
Oubliant le passé, tendus vers l’avenir, nous demandions entre nous, en
présence de la Vérité que tu es, toi, ce que pourrait être cette vie éternelle des
saints que ni l’œil n’a vue, ni l’oreille entendue, ni le cœur de l’homme
senti monter en lui (…)
Alors, nous élevant d’un cœur plus ardent vers «l’être même»,
nous avons traversé, degré par degré, tous les êtres corporels, et le ciel
lui-même, d’où le soleil, la lune et les étoiles jettent leur lumière sur la
terre.
Et nous montions encore, au-dedans de nous-mêmes, en fixant
notre pensée, notre dialogue, notre admiration, sur tes œuvres. Et nous sommes
arrivés à nos âmes; nous les avons dépassées pour atteindre la région de l’abondance
inépuisable, où tu repais Israël à jamais dans le pâturage de la vérité. C’est
là que la vie est la sagesse par qui sont faites toutes les choses présentes et
celles qui furent et celles qui seront (…)
Et pendant que nous parlons et aspirons à elle, voici que
nous la touchons à peine, d’une poussée rapide et totale du cœur. Nous avons
soupiré, et nous avons laissé là, attachées, les prémices de l’esprit;
et nous sommes revenus au bruit de nos lèvre, où le verbe se commence et se
finit. Mais quoi de semblable à ton Verbe, notre Seigneur, qui demeure en soi
sans vieillir et renouvelle toutes choses?
Augustin, Les Confessions, IX, 10, 23-24.