Ce 15 octobre, au Collège des
Bernardins, à Paris, le prix de l’Amitié Judéo-Chrétienne de France (AJCF)
était décerné à Richard Prasquier, ancien président du Conseil représentatif
des institutions juives de France (CRIF).On peut lire, sur le site de
l’AJCF, les différentes allocutions prononcées cette occasion. A ne pas
manquer, celle, remarquable, de Richard Prasquier lui-même. C’est un témoignage
très personnel et émouvant. Nous n'en retenons ici qu’une partie de sa conclusion.
Il y aborde l’attitude que l’on peut attendre des chrétiens par rapport à
l’Etat et au peuple d’Israël. Ce sont des lignes à
méditer en ces jours où nos frères juifs souffrent d’un fort regain d’antisémitisme
causé par l’«importation» du conflit israélo-palestinien
«Que
pouvons-nous donc demander à un chrétien dans ce contexte qui déborde du cadre
religieux et qui frôle un conflit politique incluant Israël dans lequel il ne
désire pas prendre position? La prudence frileuse nous pousserait à écarter ce
sujet de notre dialogue, car les chrétiens n’y sont pas directement impliqués
et les positions sont conflictuelles. Mais c’est aujourd’hui l’éléphant dans le
magasin de porcelaine. Nous avons entre nous un devoir de franchise et une
exigence de vérité. Et il est possible, il est nécessaire de garder ces
valeurs, sans se laisser emporter par une argumentation politique, dont le seul
qualificatif de sioniste a été tellement détourné en épouvantail.
A cet ami chrétien on peut demander:
- de traquer la vérité des faits, une traque qui demande du
temps mais qui est souvent possible sur Internet
- de comprendre que faire d’Israël le responsable de tous les
crimes de l’islamisme est une opinion idiote ou antisémite
- de s’étonner qu’Israël soit continuellement condamné par le
Conseil des Droits de l’ Homme de l’ONU alors que l’Arabie Saoudite y est
honorée par une position de prestige
- de refuser les amalgames entre le génocide de la Shoah qui a
assassiné 6 millions de juifs sans défense et un conflit qui, guerres et
attentats, soldats et civils, israéliens et palestiniens confondus, a provoqué
environ 20000 victimes, en 70 ans, à comparer aux 240000 morts en Syrie en 4
ans pour lequel on n’a pas vu d’attroupements, ni entendu d’appels au meurtre
dans les rues de Paris
- de vérifier si les images disent bien ce qu’on leur fait dire
et si derrière l’image d’un enfant palestinien tué on ne lui présente pas la
version moderne du crime rituel
- de déceler que derrière les discours rassurants, il peut y
avoir des idéologies putrides, et que derrière les discours putrides, il n’y a
jamais d’idéologie rassurante.
- de se résigner au fait que nous avons parfois des ennemis
parce qu’ils veulent être nos ennemis et pas seulement des ennemis qui deviendront
nos amis une fois que nous leur aurons manifesté notre volonté d’amitié.
- de se rappeler enfin que les pires régimes ont eu pour les
soutenir des compagnons de route émus par le combat des masses opprimées; ces
hommes d’illusions ou de compromissions étaient appelés les idiots utiles.
On
peut lui demander en conclusion, maintenant qu’il a cessé de diaboliser les
Juifs et qu’il sait que ce sont des hommes comme les autres, de lutter contre
la diabolisation d’Israël, un État comme un autre, pour ne pas le transformer
en Juif des Nations.
Il ne
s’agit pas d’adhérer à une politique, il s’agit d’ouvrir les yeux, ce qui n’est
pas interdit à un homme de paix et de foi. Il s’agit de comprendre ce qu’est
l’endoctrinement mental, fléau du XXe et du XXIe siècle, celui qui déchaîne les
passions, qui forge les mensonges et qui exploite les malheurs, les jalousies
et les difficultés sociales. Les Juifs ont appris à leurs dépens que la
lucidité est une hygiène de survie.»